
Hande Bozdoğan
fondatrice de l’Institut culinaire d’Istanbul
Née à Ankara et titulaire d’une licence en économie de l’Université du Bosphore, Hande construit sa carrière dans l’industrie culinaire au début des années 90. Après avoir pris la direction de son propre café à Istanbul pendant 3 ans, elle se lance dans un projet ambitieux: l’ouverture à Istanbul, en 2007, de l’Istanbul Culinary Institute. Pari gagné pour madame la directrice, devenue une référence dans son pays et dans la région. Cuiz’in a interviewé cette passionaria de l’art culinaire.
Joli parcours. Hande obtient un certificat en cuisine de la Bath School of Cookery en Angleterre, ainsi qu’un diplôme en arts culinaires de l’Institut culinaire français à New York, où elle complète en 2001 sa formation professionnelle avec distinction. Ayant voyagé inlassablement à travers le monde, la jeune chef développe un intérêt très pointu pour les cultures culinaires du monde, en complément de sa passion pour les saveurs familières, les plats traditionnels et les recettes familiales locales. Engagé dans la recherche, la promotion et l’évolution des cuisines turque et méditerranéenne de l’Est, l’Institut offre un programme de diplômes professionnels ainsi que des cours de cuisine pour amateurs. Il sert même le public à travers son restaurant d’apprentissage, une boutique gourmet et un calendrier riche en événements savoureux.
En plus de son engagement à plein temps à l’Institut, Hande est l’auteur d’un livre sur la street food dans son pays qui a reçu d’ailleurs un prix, Flavors of the Street: Turkey, et apparaît très souvent dans les médias nationaux et internationaux dans le cadre d’émissions culinaires. Loin de la vie trépidante de la ville, notre interlocutrice aime à confectionner des confitures, des sauces et des saumures… pour son propre usage.
A quel âge avez-vous découvert votre passion pour la cuisine et décidé de porter la toque?
J’ai toujours aimé cuisiner pour mes amies à l’école, à la maison… mais, dans les années 80, la cuisine n’était pas vraiment une option de carrière. Après 3 années de travail dans une banque, j’ai voyagé à New York pour ma maîtrise. Tout le long de mon séjour, la nourriture m’a séduite. J’ai décidé de suivre ma voie ; j’ai obtenu un diplôme en gestion hôtelière et arts culinaires et plus jamais je ne suis retournée à la banque. J’étais dans la mi-vingtaine.
Vous avezsuivi des cours de cuisine et de pâtisserieà la Bath School of Cookery en Angleterre etauCulinary Institute of America,à Poughkeepsie. L’Institut français culinaire à New York vous a remis votre diplôme… Combien votre cuisine est influencée par l’Occident?
Mes expérience et erreurs m’ont fait réaliser que je ne voulais faire ni cuisine ni pâtisserie, mais les arts culinaires. Et c’est ce que j’ai étudié. Le voyage est une partie de mon processus d’apprentissage et ma plus grande source de nourriture! Je pense que le secteur alimentaire est aussi global que n’importe quelle autre entreprise. S’il est bon d’observer les tendances, je crois à la saisonnalité des produits et aux ingrédients locaux, qui ont toujours été ma priorité. C’est ce qui définit ma cuisine.
Votre livre Flavors of the Street: Turkey, a remporté le prestigieux prix Gourmanden 2005,et leplus récent, IstanbulMutfakta (publié enturc, anglaiset français), a reçu le prixSpécial juryGourmand2010. Lesuccès vientfacilement?
Ce n’est jamais facile. Gagner des prix ou devenir un visage connu est une mesure de succès. Cela donne de l’énergie, mais il y a beaucoup de projets que je trouve très réussis moi-même et que j’accomplis pour mon propre plaisir.
Vous êtes la fondatrice et directrice del’Institut culinaire à Istanbul. Expliquez-nous en quelques mots votre vision…
L’Institut a été fondé en 2007, sans compter les 2 années de dur labeur qui ont précédé son officialisation. 6 ans est un temps très court à l’échelle internationale, mais long pour un pays comme la Turquie! Mes études à l’Institut français m’ont beaucoup appris. J’ai voulu créer quelque chose de similaire en Turquie, où si peu a été fait pour promouvoir le patrimoine. Le programme et le menu mettent l’accent sur la cuisine turque et la saisonnalité des produits. A l’Institut, nous utilisons des ingrédients que nous cultivons dans notre propre ferme sans produits chimiques, dans une zone de plus de 15 hectares, avec plus de 500 arbres fruitiers. Nous proposons des menus qui changent tous les jours avec des produits de la ferme. De temps en temps, les élèves travaillent sur le terrain, participent à la récolte. C’est la meilleure façon de leur apprendre à respecter leurs ingrédients. Après une bonne formation, n’importe qui peut devenir un grand chef. Un bon chef connaît ses ingrédients, les utilise correctement et respectueusement.
Quel est votre plat national favori et pourquoi?
J’adore le boulgour. Je peux manger tous les jours un pilaf boulgour aux lentilles! J’aime les sardines grillées enveloppées dans des feuilles de vigne et, comme dessert, un pudding crémeuxque l’on appelle en turque “tavukgogsu”.
Quels sont les ingrédients dominants dans la cuisine turque?
La cuisine turque est très versatile et régionale ; par exemple, enmer Noire, l’ingrédient dominant est totalement différent de celui de la mer Egée ou du Sud-Est anatolien. Dans l’ensemble, la tomate est le premier légume consommé, suivi par l’aubergine. Nous consommons beaucoup de yaourt. Côté épices, nous utilisons cumin et paprika, en essayant de s’approvisionner localement autant que possible.
Quelle est votre définition d’un chef moderne et quelle est la figure que vous admirez?
Un chef contemporain a des connaissances de la cuisine locale, des tendances mondiales, des équipements dans la cuisine et des ingrédients. Meneur, il privilégie toutefois le travail d’équipe, car il sait qu’en cuisine il n’y a pas de place pour l’ego. Et je ne parle pas des chefs aux nombreux restaurants, ni des célébrités de télévision, qui font un métier différent! J’admire le chef Mehmet Gurs, l’un des premiers à introduire une cuisine raffinée en Turquie, et qui depuis continue sur sa lancée.
Un repasest une rencontreintimeentre l’individuet l’artiste... Combien joue votre touche personnelle?
Pour moi, un bon plat devrait plaire aux papilles et aux yeux, mais il y a une ligne critique: il ne faut pas trop en faire. Ce qui est primordial, c’est que le plat soit savoureux, bon et apprécié du consommateur. Moi, je canalise toute mon énergie et mon humeur au plat que je cuisine. Je sais que cela peut sembler bizarre, mais quand je commence à mijoter positivement mon plat, le résultat final est toujours excellent.
Pour un touriste visitant votre pays, quels restaurant et plat recommandez-vous?
Nous aimons manger nos kebabs et poissons dans des restaurants spécialisés et je pense que les visiteurs devraient en faire autant. Pour le kebab, le restaurant Beyti, proche de l’aéroport ‒ l’un des plus anciens ‒ est toujours irréprochable. Pour les poissons, j’aime aller à Kiyi, au restaurant Tarabya ou Ismet Baba, sur la rive asiatique… Haut de gamme, l’enseigne Ulus 29 est toujours recommandée: meilleure combinaison de vue sur le Bosphore et de bonne chère!
Et si c’était vous en visite au Liban, qu’aimeriez-vous déguster?
Il y a quelques mois, je me suis rendue au Liban pour la première fois en tant que chef invitée pour une conférence. Je voulais tout essayer! Je dois dire que la cuisine y est superbe et j’ai apprécié presque tout ce que j’ai mangé. Seules les pâtisseries en général étaient trop sucrées pour moi. C’était intéressant de voir que certains plats, qui existent sous le même nom chez nous, étaient en réalité tout à fait différents. J’ai été invitée à un dîner maison et je me souviens encore du goût du “dolma”: les feuilles de vigne farcies de viande, joliment présentées avec des côtelettes d’agneau…
En mode pause chez vous, loin de la vie trépidante, quel est votre passe-temps favori?
J’aime passer du temps à la ferme, à essayer de faire pousser des plantes différentes, des tomates ou n’importe quoi… J’aime prendre des photos. J’ai commencé à alimenter le site! Je joue aussi du violoncelle et je passe des heures à m’entraîner à la maison.
Moules farcies (Midye Dolması)
Pour 8 personnes l Préparation 30 mn
– 40 moules moyennes bien nettoyées
– 1 250 g d’oignons
– 1 verre de riz
– 25 g de pignons
– 25 g de groseilles
– 1 verre d’huile d’olive
– 1/2 botte de persil finement haché
– 1/2 botte d’aneth finement ciselé
– Sel au goût
– 1 c. à s. de poivre
– 1 c. à c. de cannelle
– 1 c. à s. des 7 épices
– 1 c à s. de sucre
1. Lavez les pignons, les groseilles et le riz séparément. Réservez dans des bols individuels.
2. Coupez les oignons finement et faites revenir à feu doux dans une casserole, avec 2 c. à s. de sel durant 1 h. Les oignons vont dégorger de l’eau et leur jus va se réduire jusqu’à ce que les oignons adhèrent à la casserole. Ajoutez 1 c. à s. d’huile d’olive et laissez cuire 10 à 15 mn supplémentaires.
3. Rajoutez les pignons, les groseilles et le riz aux oignons. Mélangez bien le tout, puis incorporez les épices et le sucre. Remuez, puis éteignez. Une fois que le mélange a refroidi, ajoutez l’aneth.
4. Remplissez les moules de cette farce en prenant soin de ne rien faire déborder. Rangez les moules farcies sur un plateau, versez 1 tasse d’huile d’olive et 2 tasses d’eau. Couvrez d’un plat le plateau afin que les moules restent fermées durant la cuisson. Laissez cuire à feu doux 60 mn.
5. Pour servir, mettez les moules dans un plat. Arrosez de jus de cuisson.
“Il est préférable de consommer ce plat le lendemain, après 1 jour de réfrigération.”
Auberginesfarciesd’oignons (İmam Bayıldı)
Pour 2 personnes l Préparation 25 mn
– 4 aubergines
– 2 oignons émincés
– 2 gousses d’ail émincées
– 2 tomates pelées, épépinées et concassées
– 150 ml d’huile d’olive
– 1 c. à c. de sel
– 1 c. à c. de sucre
– 1 c. à c. de poivre noir
– 250 ml d’eau
– 1/2 botte de persil
1. Pelez les aubergines et retirez la tige. Coupez-les en deux à partir du milieu, dans le sens de la longueur. Faites frire dans l’huile chaude.
2. Laissez revenir les oignons dans un peu d’huile d’olive pour les caraméliser. Ajoutez les gousses d’ail émincées et faites sauter pour bien parfumer. Incorporez les tomates concassées et laissez cuire pour bien ramollir. Retirez du feu et rajoutez le persil ciselé.
3. Farcissez les aubergines de ce mélange, puis rangez-les dans un plat allant au four. Préparez la sauce avec le mélange d’huile d’olive, l’eau, le sel, le poivre et le sucre. Versez cette sauce sur les aubergines et couvrez d’un papier aluminium. Enfournez à 175°C durant 30 mn dans un four préchauffé.
“Si les auberginessont assez grandes, coupez chacune en trois.”
Boules de pâte à sucre (Şekerpare)
Pour 35 boules l Préparation 20 mn
– 500 g de farine
– 250 g de beurre mou
– 125 g de sucre en poudre
– 4 œufs
– 50 g de semoule
– 50 g de poudre d’amande
– 14 g de levure chimique
– Zeste râpé d’une demi-orange
– Noisettes ou amandes
Pour le sirop:
– 1,5 kg de sucre
– 1,5 l d’eau
– ½ citron pressé
1. Mélangez la farine, la semoule, la levure, la poudre d’amande et le zeste d’orange. Creusez un puits, ajoutez-y le beurre mou, le sucre et les œufs. Malaxez avec vos mains et pétrissez doucement, jusqu’à former une pâte homogène et lisse.
2. Faites des boules de 30 g en roulant la pâte entre les paumes de la main. Décorez avec une noisette ou une amande et enfournez dans un four préchauffé à 180°C environ 15 à 18 mn.
3. Entre-temps, portez à ébullition l’eau et le sucre. Ajoutez le citron et faites épaissir le sirop.
A la sortie du four, arrosez les boules de sirop chaud.
“Pour la garniture, avant la cuisson, il faut insérer profondément la noisette ou l’amande dans la boule de pâte.”
Anchoisaux légumesbraisés (Hamsi Pilaki)
Pour 2 personnes l Préparation 20 mn
– 2 oignons
– 2 tiges de céleri coupées en dés
– 360 g de filets d’anchois
– 1 c. à c. de sel
– 1/2 c. à c. de poivre noir
– 1 c. à c. de cannelle
– Huile d’olive au goût
1. Emincez les oignons et faites sauter à feu doux avec un peu d’huile d’olive. Ajoutez les céleris coupés en dés, le sel, le poivre et la cannelle. Laissez cuire, puis retirez du feu.
2. Versez le mélange dans un plat allant au four et recouvrez toute la surface de filets d’anchois. Saupoudrez de cannelle. Versez l’huile d’olive.
3. Enfournez dans un four préchauffé à 180°C pendant 12 mn.
“Ne rajoutez céleris, sel, poivre et cannelle qu’une fois les oignons bien ramollis.”